Il faisait nuit noire lorsque nous avons quitté l’appartement à Istanbul. À 6H25 du matin. Le petit matin s’est pointé le bout du nez alors que nous arrivions au terminal de ferry, quelques kilomètres plus loin. Et même si nous avons réussi à traverser le quartier sans trop d’encombres et de stress, nous avons raté de quelques minutes le départ pour Bandirma. Levés trop tard, préparation trop lente. 5H du matin n’est pas notre heure la plus efficace. Bien dégoûtée, je suis allée acheter des billets pour le prochain bateau, soit en destination de Mudanya, 100 km plus à l’est sur la côte qui borde la mer de Marmara. Nous allions être obligés de trouver une autre solution pour parcourir la différence, ne pouvant pas faire 250 km avant mardi, jour où nous étions attendus à Biga.
Après une traversée d’à peine deux heures sur mer plate, nous avons décidé de profiter de la situation et de suivre la petite route le long de la côte, ralliant ensuite une grosse ville, quelque 75 km plus loin. De là, il allait certainement être possible de prendre un bus. En trois petits jours, c’était largement jouable. Nous avons donc enfourché nos montures sous un soleil radieux et peiné en gravissant les jolis monts longeant la mer. Après quinze jours d’arrêt et une nuit de quelques heures, nos vélos semblaient peser le double de leur poids habituel. Nos efforts ont cependant été récompensés puisque cette partie de la côte est très jolie et visiblement peu fréquentée par les touristes. Nous étions même surpris de découvrir des endroits en bordure de mer avec pratiquement aucune habitation.
Nous étions émus lorsque nous avons vu nos premières olives samedi matin. Contents de cette rencontre, synonyme de sud et de soleil. Les arbres sont gorgés de fruits noirs, murs, prêts pour la récolte. Elle bat son plein dans cette région où les oliviers s’étendent à perte de vue dans les montagnes. C’est donc dans une oliveraie que nous avons campé samedi soir, ou plutôt, samedi après-midi. Il était à peine plus de 14h30 lorsque nous sommes arrêtés. La tente était montée à 15h30. Le repas presque digéré à 17h30. En un mois et demi, nous avons perdu près de deux heures de clarté le soir. Il fait désormais nuit à 17h. C’était pratique pour cette fois puisque nous étions littéralement morts de fatigue, mais les autres nuits dans la tente ont été un peu longues…
Samedi et dimanche ont été magnifiques. Chaudes et ensoleillées. Plus de 18 degrés. Nous les avons savourées avec des pauses de midi en bord de mer, permettant à Elouan de pratiquer ses techniques de pêche. Nous sommes désormais équipés d’une canne à pêche de premier prix avec moulinet fabriqué en Chine, de grande qualité. J’ai réussi à balancer le couvercle du moulinet dans l’eau en faisant un lancé. C’est pour vous dire ! Mais notre garçon est tellement heureux qu’il fait fi de tous ces détails techniques. Il pêche, du moins il essaie ! Ça lui suffit.
Les choses se sont gâtées dans la nuit de lundi. De la pluie et du vent. Nous savions que cela arrivait, mais nous n’avions pas imaginé qu’il allait pleuvoir autant. Nous avons dû zigzaguer entre les sillons et les flaques de boue en partant de notre emplacement lundi matin. De l’eau, il y en avait partout autour (et dans) la tente. Il a continué à pleuvoir sans relâche toute la journée. Nous ne savons pas si nous avons eu autant de pluie en 24h depuis que nous sommes partis. Même en Allemagne, nous avions l’impression d’avoir un peu de répit… Mais là, TOUT était trempé. Incluant nous. Nous avons quand même roulé nos 30 km restant pour atteindre Karacabey, où nous avons pris une chambre d’hôtel, bientôt ensevelie sous les matelas, sacs de couchage et vêtements suspendus pour sécher. Nous avions préalablement fait un tour à la gare routière pour vérifier qu’il y avait bien un autobus desservant Biga et acceptant nos vélos. C’était gagné pour 9h le lendemain matin !
Nous y étions à l’heure cette fois. Et après une petite frousse en voyant la tête du chauffeur qui refusait de prendre notre chargement, nous avons réussi à tout faire entrer dans les gigantesques soutes, déjà bien pleines. Nous étions presque gênés de profiter du paysage et de regarder défiler les kilomètres sur les panneaux. C’est chouette le voyage à vélo… en train, en autostop, en ferry et en bus ! C’est plus rapide et beaucoup moins fatigant ! Dommage qu’on n’y est pas pensé avant.
Nous nous promettons d’autres belles avancées puisque la Turquie bénéficie d’un très bon réseau de bus. Très moderne et confortable, à prix intéressant, ralliant tous les villes et villages. Nous allons certainement tenter de gagner quelques degrés en descendant directement sur la côte sud puisque les températures ont bien chuté. Mais nous verrons cela dans les prochains jours, car pour l’instant nous sommes au frais…
Ormanevi (ou la maison de la forêt)
Durukan et Volkan vivent depuis un an dans la maison de leurs grands-parents, en plein centre d’Haçikoy, minuscule village au pied des montagnes. Cherchant un lieu pour apprendre à vivre à la campagne, ils ont profité de cette maison vide en attendant de trouver l’endroit où ils souhaitent bâtir leur communauté, dans la même région. Ils sont quatre dans l’association, mais c’est surtout à eux deux qu’ils ont réussi en un an à faire revivre ce lieu et à le remplir de vie, de projets, de pots de confitures et de tomates, de haricots séchés, de yaourt, de discussions animées… et de « volontaires ». Nous les avons trouvés par hasard sur le réseau d’hébergement warmshower, mais ils font également partie du réseau Tatuta, équivalent turc du woofing, accueillant des bénévoles pour travailler à la ferme en échange d’un endroit où dormir et de quoi se nourrir.
Nous les avons d’abord trouvés un peu distants, peu curieux envers nous, et légèrement agacés devant quelques-unes de nos multiples questions (incluant celles d’Elouan). Durukan a passé la première soirée sur son ordinateur à skyper et à téléphoner. Puis nous avons appris qu’ils avaient reçu plus de cinquante personnes durant les sept derniers mois. Cinquante personnes différentes à accueillir et avec qui discuter, répondre aux questions habituelles, expliquer, etc. C’est beaucoup. Nous avons donc compris que pour survivre dans ce genre de situation, il est nécessaire qu’ils se comportent comme s’ils étaient seuls ou alors comme si nous étions là depuis longtemps. Nous avons rapidement opté pour la deuxième proposition et avons facilement pris nos aises, avec toutefois quelques moments de malaise devant le trop-plein d’énergie d’Elouan ou les pleurs de Yanaël.
Au fil des jours, nous découvrons ces deux jeunes hommes (célibataires… avis aux intéressées) drôles, généreux, simples et passionnés. Nous partageons de très beaux moments et d’intéressantes discussions sur leur projet et leurs vies. Avec nous se trouve également une autre bénévole du nom d’Asli. Très belle jeune femme de 35 ans, fuyant initialement le brouhaha d’Istanbul pour quelques jours, qui va probablement rester ici pour une période beaucoup plus longue (il y en a peut-être un des deux qui ne sera plus célibataire d’ici peu…) Nous avons la chance d’arriver dans un endroit jeune où il n’y a finalement pas beaucoup de règles et de structure, sauf celle de faire comme à la maison et de participer aux tâches selon les envies et les besoins. Pour la première fois du voyage, nous prenons le temps de véritablement passer l’étape de la première rencontre pour découvrir des gens un peu plus profondément, un peu plus doucement. Et ça fait un bien fou ! Nous nous levons le matin et préparons le petit déjeuner avec ou sans les autres, puis nous « travaillons » à nous deux plus ou moins six heures par jour, selon ce qu’il y a à faire : couper et corder du bois, bricoler des trucs dans le jardin, nettoyer à l’extérieur, préparer des fruits pour de la confiture ou du vinaigre, décortiquer des fleurs de tournesol, etc. Spontanément, nous préparons les repas lorsque nous avons une idée ou rien d’autre à faire. Elouan va et vient, aidant ici et là. Yanaël s’endort généralement dans l’écharpe le matin puis y retourne une bonne partie de l’après-midi. Sinon il reste avec nous dans la cuisine, à jouer avec ce qu’il trouve… Le seul problème est certainement celui de la température. La maison n’est pas chauffée et le sol, de même que la majorité des pièces, est très froid. L’unique pièce chauffée au bois nous sert de salon – salle à manger, mais il est difficile de s’y tenir à plusieurs là dedans, surtout avec le poêle et les enfants. Notre chambre est un vrai frigo ! Le thermomètre affichait 7 degrés au réveil après les nuits les plus fraîches. C’est presque pire que dans la tente ! Heureusement, nous avons droit à de grosses couvertures en laines bien lourdes et chaudes pour nous réchauffer.
Nous allons profiter de nos derniers jours ici pour planifier la suite. Notre séjour nous donne envie de renouveler l’expérience ailleurs, mais nous savons qu’il n’est pas aisé de trouver un endroit aussi souple qu’ici, puisqu’avec les enfants nous ne pouvons pas travailler autant qu’une personne normale et les conditions d’accueils sont souvent spartiates dans les fermes, spécialement l’hiver. Nous savons aussi qu’il va faire très froid assez vite et ne souhaitons pas rester bloquées une deuxième fois par la neige…
L’option la plus probable est que l’on descende en bus jusqu’à Bodrum pour ensuite traverser à Kos, île grecque située tout près de la côte turque. De là, il nous sera facile de rejoindre Rhodes, où nous prévoyons passer une bonne partie des mois les plus froids, soit de janvier à mars. Ce sera notre point rencontre avec les copains qui viennent en visite, et notre pause hivernale. Ce n’est pas que nous soyons spécialement fatigués depuis trois semaines, mais justement, nous savourons ces arrêts avec beaucoup de bonheur et prenons conscience que nous nous sommes très peu posés depuis notre départ, spécialement en dehors des grandes villes. J’attends impatiemment le moment où je pourrai faire ma petite balade quotidienne, sans me sentir pressée de repartir pour avancer ou pour trouver un endroit où camper. Nous allons tenter de trouver quelque chose à louer sur place, de pas trop cher en cette période.
Sandrine
Merci, merci, merci, merci, merci,merci, merci…..et sans copier coller ça à + de valeur! Vous êtes superbes, les photos sont magnifiques, le texte « comme si on y est », j’adore, je vous adore, vous êtes mes héros!!!!!! Vive vous!!!!! Bizzzzzzzz
Swanee
« LES COPAINS » c’est nous!!!!!!!!!!! Vivvvvemmment!
Chère Sandrine, c’est avec un grand plaisir que je suis vos tribulations exotiques dès que je reçois un mail me prévenant d’un nouvel épisode de votre aventure familiale. Bon courage pour la suite, c’est beau la jeunesse!
XXX Guy le papa de Zanya et Yanni.
Dire qu’on aurait pu vous faire travailler gratis quand vous êtes passés dans notre communauté, quels idiots on a été! A plus. Bises. : )